Retro Politique 2010: Bennoo et le pouvoir jouent à se faire peur en attendant la présidentielle de 2012

Publié le par farbasy

Même si n'y a pas eu d'élections en 2010, le front politique s'est fortement agité cette année. En attendant la présidentielle de 2012, les états majors du pouvoir et de l'opposition se préparent pour cette bataille électorale qui pourrait se faire sans Wade si on en croit à un certain nombre de constitutionnalistes.

 

Année du cinquantenaire de l'indépendance nationale, 2010 a été chargée en événements politiques au Sénégal. Le président Wade, qui a eu l'honneur de diriger le Sénégal durant ce moment historique, a profité de la fête de nationale pour annoncer la reprise symbolique sous autorité sénégalaise les bases militaires encore présente au Sénégal 50 ans après l'indépendance. Toutefois, Paris va continuer de maintenir à Dakar un dispositif restreint d'environ 300 soldats. 2010 a aussi été marqué par l'inauguration du monument de la renaissance africaine, événement ayant occasionné l'arrivée à Dakar de plus d'une vingtaine de chef d'Etats africains. Le même jour, l'opposition a montré son désaccord face à l'érection de cette statue à travers une marche autorisée de justesse par le préfet de Dakar.

Même si 2010 n'a pas été une année électorale, elle a été marquée par une forte agitation au niveau du landerneau politique sénégalais. La candidature de Wade en 2012 a été contestée par certains constitutionnalistes ainsi que par l'opposition. Même dans le camp libéral, Wade ne fait plus l'unanimité. Idrissa Seck qui avait scellé ses retrouvailles politiques avec Wade en octobre 2009, estime que Wade ne peut pas être candidat à la prochaine présidentielle. Comme pour ne rien arranger, Mame Marie Faye, ophtalmologue de son état, soulève le débat sur la santé du président Wade. Une prise de position qui a valu à cette femme médecin d'être jugée  par le tribunal des flagrants délits de Dakar et condamnée à un an d’emprisonnement assorti du sursis et d’une amende ferme de 500.000 F Cfa.

En 2010, Karim Wade a vu son pouvoir augmenter crescendo avec sa nomination comme ministre de l'Energie. Ainsi, le fils du président Wade gère les département de la coopération internationale, des transports aériens, de l'infrastructure ainsi que de l'Energie. De l'avis de l'opposition,  Karim Wade a joué un rôle essentiel dans le départ de l'ancien ambassadeur de France au Sénégal Jean-Christophe Rufin et l'arrivée Nicolas Normand comme représentant à Dakar de l'ancienne puissance coloniale.

Du côté de l'opposition, l'année 2010 va se terminer comme elle a débuté. En effet, l'identité du candidat de Bennoo pour la présidentielle n'est toujours pas connue en dépit de l'organisation d'une série de séminaire censés rêflechir sur la stratégie électorale en 2012. Pis, l'opposition a étalé au grand jour les divergences de ses différentes composantes. La maison Bennoo s'est même fissurée avec le départ de l'Alliance Jef Jel de Talla Sylla. De même, la brouille entre le Ps et le Pit a porté un coup au mythe d'un bloc unitaire de l'opposition.

Enfin, 2010 n'a pas été une année de dialogue politique. Ayant demandé lors de son allocution de fin d'année 2009 à l'opposition de désigner un modérateur pour les concertations sur le code électoral, le président Wade n'a toutefois pas répondu à la requête de l'opposition qui avait proposé le choix du professeur Babacar Gueye. Il y a tout de même eu un petit éclairci avec l'audit du fichier électoral initié par l'Union européenne, opération ayant permis de réunir sur une même table de discussion pouvoir et opposition.

Farba Alassane SY

 

LES REUSSITES POLITIQUES

 

Amadou Gueye, l'homme qui a réussi a discréditer la candidature de Wade

 

Initiateur de la campagne dénommé « Wade:terminus 2012 », Amadou Gueye a réussi à lancer en août dernier le débat sur l'irrecevabilité de la candidature de Wade à la prochaine présidentielle. A 43 ans, cet ancien consultant de la Banque mondiale a mis sur pied  le mouvement citoyen  Union nationale des indépendants du Sénégal ( Unis). Il y a peu, illustre inconnu de la scène politique sénégalaise, Amadou Gueye est monté au créneau pour dénoncer la candidature de Wade. A sa suite, constitutionnalistes et politiques ont entrepris la même démarche afin de disqualifier l'actuel chef d'Etat de la prochaine compétition électorale. Du fait du plan d'action «Wade: terminus 2012 »,  l'actuel locataire du palais présidentiel passe pour être un autocrate qui veut violer la Constitution pour rester au pouvoir. La balle est maintenant dans le camp du Conseil constitutionnel pour trancher ce débat sur la candidature de Wade. Ce sera vraisemblablement en 2012 à 29 jours de la présidentielle de février de la même année.

 

Macky Sall perce dans les sondages

 

Même si les résultats des sondages sont à prendre avec beaucoup de précautions, on peut retenir de 2010 l'année où le leader de l'Apr a recueilli de bons résultats dans différents sondages sur les hommes politiques. Selon ces enquêtes d'opinion effectuées dans la région de Dakar, le maire de Fatick talonnerait de près le président Wade en cas de présidentielle. Les sondages des cabinets Emergence Consulting Group, Bda et Adesr lui créditent respectivement 19,4%, 21% et 18,9% tandis que Wade recueille respectivement 34,7%, 21% et 27,3%. De même, ces sondages révèlent que Macky Sall est actuellement le seul leader de l'opposition capable de battre Wade en cas de confrontation directe. Toutefois, il faut préciser que ces sondages se sont uniquement basés sur les populations de la région de Dakar. Le vote du reste de la population dans les autres villes n'a pas été pris en compte et demeure donc inconnu.

 

Idrissa Seck défie frontalement Wade

 

De retour dans le giron libéral après plusieurs années de brouille avec Wade, Idrissa Seck était apparemment rentré dans les rangs. Tel n'a pas été vraiment le cas. Lassé d'attendre de Wade un poste stratégique dans l'architecture étatique, le leader du défunt Rewmi a décidé en 2010 de renouer avec ses attaques contre le président de la République. En témoigne cette phrase assassine prononcée septembre dernier à New York: «  Le cycle de Wade est celui des Blaise Diagne, Ngalandou Diouf, Lamine Guèye, Senghor, Mamadou Dia, Abdou Diouf. Le mien est celui de la Nouvelle Afrique ». Il y a aussi cette raillerie contre Karim Wade qu'il nomme « monsieur 15% », en référence aux commissions que le fils du président exigerait aux investisseurs d'après les révélations de Wikileaks. Bien qu'étant toujours au Pds, Idrissa Seck n'a pas hésité à invalider la candidature en 2012, aidé en cela par les arguments servis par de nombreux constitutionnalistes. Des arguments qu'il développera fin novembre 2010 au palais présidentiel devant le président Wade et tout le Comité directeur du Pds réuni. Exclu à nouveau de ce parti, quelque jours après cette confrontation, Idrissa Seck refuse de quitter. « Personne ne peut m'exclure du Pds », a t-il déclaré le 20 décembre devant le siège du Pds. A coup sûre, cet homme politique aura réussi à marquer l'année 2010 en contestant de l'intérieur du Pds la candidature de Wade à la prochaine présidentielle.

 

Gadio , You Bara Tall, Djamil and co sortent du bois

 

Qu'ils s'appellent Youssou Ndour, Serigne Mansour Sy Djamil Cheikh Tidiane Gadio, Bara Tall, Amsatou Sow Sidibé, Amadou Gueye, ils ont tous marqué l'année 2010 en mettant sur pied des mouvements citoyens pour faire face aux dérives du régime libéral. Ils ont tous décidé d'unir leurs forces au mois d'août dernier au sein d'un Cadre de concertation des mouvements citoyens (Ccmc). Cette structure s'est donnée pour rôle de défendre la Constitution, protéger les libertés démocratiques et droits humains, lutter pour l'accessibilité à la carte d'identité, dénoncer les scandales financiers et soutenir les luttes populaires comme celle pour réclamer l'électricité etc.    Concernant le procès d'Abdoulatif Coulibaly pour délit de diffamation , dont l’accuse le conseiller en Ntic du président et non moins fils du ministre de la Justice, Thierno Ousmane Sy, ces mouvements citoyens ont « entendu » puis « acquitté » l'accusé au cours d'un « jury populaire ». A propos de l'affaire des 20 milliards, l'homme d'affaire Bara Tall, initiateur du mouvement « Yamale » a mis sur pied une pétition pour demander des comptes au pouvoir. De même, Youssou Ndour a réussi a récolter 2 millions de signatures favorables à l'ouverture de la chaine de télé Tfm. Cette pression sur les autorités publiques n'a sans doute pas été étrangère à l'acquisition le 11 mai 2010 de l'autorisation d'émettre de ladite chaine.

 

 

LES RATES POLITIQUE

 

Aliou Sow, rate son show

 

Le ministre délégué chargé des Collectivités locales ne s'est pas illustré dans le bon sens en 2010. En effet, c'est avec lui qu'est partie la stérile polémique entre le président Wade et le maire de Dakar à propos de terrains que la mairie de Dakar voulait acquérir. Soupçonnant la mairie de Dakar de tenter de faire sortir par la fenêtre 15 milliards pour les faire rentrer, par la porte, dans les caisses du Parti socialiste, le pouvoir avait décidé au mois de septembre dernier d'ouvrir une information judiciaire sur l'acquisition de terrains par la mairie de Dakar. Il a fallu l'éclairage d'Abdoulaye Mactar Diop, président de la commission des finances et des affaires économiques du Conseil municipal de Dakar, pour qu'on se rende compte de l'incongrueté de la démarche de l'Etat. Citant le code des communauté locale, ce dernier a prouvé que le contrôle d'opportunité d'une acquisition de bien mobilier ou immobilier n'existe plus dans la pratique du droit du Sénégal. Evidemment, cette leçon était destinée à Aliou Sow, qui se targue pourtant d'être un docteur en Communication. Après, une altercation entre socialiste et libéraux, le président Wade a enfin décidé à reculer dans son bras de fer contre la mairie de Dakar.

 

Awa Ndiaye, la femme qui achète des cuillères à 37000 francs l'unité

 

Cette femme ministre d'Etat auprès du président de la République, ce malgré sa défaite électorale à Saint-louis en mars 2009 s'est illustrée dans le registre de l'insolite en 2010. Dans son rapport rendu public au mois de janvier,  l’Agence de régulation des marchés publics (Armp) avait noté de « graves anomalies dans la passation des marchés » au sein de certaines établissements publics et parapublics, dont le ministère de la Famille anciennement dirigée par Awa Ndiaye. Les auditeurs ont en effet noté que dans cette structure, une cuisinière a été acquise hors Tva à plus de 2 millions de francs, une cuillère à plus de 37 mille francs, un couteau à 42.000 francs, une clé Usb d’un Giga à 97.500 francs, une carafe à 47.000 francs Cfa, un tapis de prière à 15.000 francs. Face à ces révélations qui ne sont pas à son goût, Awa Ndiaye a accusé Youssoupha Sakho, président de l'Armp de la jeter en patûre à l'opinion. A ce jour, aucune poursuite n'a été judiciaire n'a été engagée contre elle.

 

Ousmane Tanor Dieng, le républicain qui bénit le hold-up électoral de Gbagbo

 

Qu'est ce qui a poussé le mesuré Ousmane Tanor Dieng à soutenir ouvertement un homme comme Gbagbo qui a confisqué la volonté populaire des élections? Sans doute par solidarité par rapport à son camarade de la lagune Ebrié. Mais tout de même, ce soutient au très controversé Laurent Gbagbo aura valu au leader du Ps d'être fortement attaqué par les journaux. Au moment où le mari à Simone Gbagbo est mis au ban de la communauté internationale, Ousmane Tanor Dieng roule à contre courant de l'opinion publique. En guise d'explication à son geste, il dira que « Tous ceux qui lui  (à Gbagbo) tirent dessus ne tarissaient pas d’éloges à son endroit». Cette bourde du socialiste en chef pourrait lui coûter cher en 2012.

 

 

 GRANDES DATES

 

19 mars, célébration des 10 ans de l'alternance

A l'occasion des 10 ans de l'alternance, les libéraux ont tous afflué vers le palais présidentiel où les attendaient le président Wade. A cet effet, les militants du Pds ainsi que des partis de la majorité présidentielle ont arpenté les rues de Dakar. De même plus de 30 millions avaient été débloqués par le pouvoir pour assurer une grande mobilisation ce jour là.

 

 

3 avril: inauguration du monument de renaissance africaine

Abdoulaye Wade a inauguré en grande pompe le controversé monument de la renaissance africaine en présence d'une vingtaine de chefs d'Etats ainsi que d'artistes de renommée internationale comme Akon et Manu Dibango. Visiblement heureux  de l'événement, Wade dira: «le temps du décollage est venu pour l’Afrique relativement à tous nos moyens et possibilités ».

 

4 avril, Wade reprend ses bases

Le Sénégal indépendant a fêté ses 50 ans le 4 avril 2010. Comme la veille lors de l'inauguration du monument de la renaissance africaine, plusieurs chefs d'Etat africains ainsi que le ministre de l'Intérieur de la France avaient pris part au grand défilé civilo-militaire marquant l'événement. La décision majeure de ce cinquantenaire a été la reprise par Dakar des bases militaires françaises basées au Sénégal.

 

9 juin, restitution officielle par la France de ses bases militaires au Sénégal

Ce jour là, la France a restitué « symboliquement » toutes les emprises occupées jusqu’ici par son armée au Sénégal. La restitution a été effectuée à l'issue d'une cérémonie qui a eu lieu au camp de Bel-Air, à Dakar, occupé par le 23e Bima, le Bataillon d’infanterie de marine. Tout de même, environs 300 militaires resterons au Sénégal.

 

15 mai, vote par l'Assemblée nationale de la loi sur la parité

La chambre basse du parlement a adopté ce jour là cette loi visant à instituer la parité absolue homme-femme dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives. Selon cette loi, la parité doit être absolue entre les hommes et les femmes dans toutes les institutions partiellement ou totalement électives comme l'Assemblée nationale, le Sénat, les conseils régionaux, municipaux.

 

13 août, Cheikh Tidiane Diakhaté nommé président du Conseil constitutionnel

Cet ancien Président de la Cour d’appel de Dakar est nommé par décret présidentiel Président du Conseil Constitutionnel en remplacement de Mme Mireille Ndiaye. Pour l'opposition, ce magistrat est un obligé de Wade. Il appartient à Cheikh Tidiane Diakhaté de prouver le contraire en 2012.

 

11 septembre, Ousmane Ngom redevient ministre de l'Intérieur

Ce responsable libéral originaire de Saint-Louis, ministre de l'Intérieur durant la présidentielle de 2007 est revenu à ce poste en septembre 2010. Il faut dire que ce personnage est fortement décrié par l'opposition qui voit en lui un ministre partisan.

 

4 octobre, Karim Wade devient ministre de l'Energie

En pleine crise énergétique, le président Wade décide de nommer Karim Wade, déjà à la tête d’un «super-ministère» qui comprenait la Coopération internationale, l’Aménagement du territoire, le Transport aérien et les Infrastructures. Wade fils a hérité du portefeuille de l’Energie.

Farba Alassane SY

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